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TRIBUNE

Procès des tournantes : Nina n’est pas Christine Angot

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«On» a dit de ce procès qu’il était un fiasco. Comment pouvait-il en être autrement après treize ans?
(Dessin Alain Brillon)
par Laure Heinich-Luijer
publié le 17 octobre 2012 à 19h26
(mis à jour le 18 octobre 2012 à 11h49)

Nina et Aurélie se sont présentées devant la cour d'assises de Créteil avec un nom et un prénom. Cela a dû les changer. Pendant des années, c'était «pute». Un nom, une identité. «Les deux plus grosses putes de Fontenay», dit aux policiers en 2006 l'un des accusés de viols collectifs commis sur les deux filles. A l'audience, en 2012, l'insulte a à peine changé : «Grosse vache, tu crois que je t'ai violée ?» Sept ans après sa plainte, treize ans après les faits, Nina a 29 ans sur sa carte d'identité. Mais elle est morte à 16 ans. Puis s'est recouverte de 120 kilos pour s'enterrer. Elle est morte violée dans une tour, puis dans un escalier, dans des appartements, des box, des caves et même sur des jeux d'enfants. Elle a été brûlée par une cigarette, frappée, les types faisaient la queue pour se faire sucer. Parfois, il y avait tellement de monde qu'ils disent avoir renoncé. Mais toutes ces fois-là, selon eux, elle aurait «aimé». «On» a dit de ce procès qu'il était un fiasco. Comment pouvait-il en être autrement après treize ans ? Comment peut-il en être autrement tant que les cours d'assises attendent des victimes qu'elles parlent comme des chercheurs, des écrivains ? Personne ne parle comme Christine Angot écrit.

Doit-on attendre des victimes qu’elles exposent de façon linéaire, qu’elles soient construites comme quelqu’un qui n’a pas souffert ? N’est-ce pas le moindre mal d’être fragile quand on a été violée ?

Nina sortait de l'audience à tout bout de