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TRIBUNE

Entretien avec un pain au chocolat qui a des lettres

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par Dominique Dupart, Maître de conférence en littérature à l’université de Lille-III. Membre du comité de rédaction de la revue «Vacarme»
publié le 23 octobre 2012 à 19h07

Dans l’affaire du pain au chocolat soulevée par M. Copé, la parole a été donnée à tous, exceptés à l’enfant et au pain au chocolat. Ne voulant perturber l’enfant par les élucubrations du débat public, nous nous sommes tournés vers le pain au chocolat qui a accepté de témoigner.

DD : Cher pain au chocolat, racontez-nous la scène à laquelle vous avez assisté, vous, le témoin impuissant et improbable de cette ignoble agression à caractère confessionnel : un voyou qui arrache pendant le ramadan un pain au chocolat à la sortie d’un collège !

PC : Je m'engloutissais tranquillement dans un gosier d'enfant, quand, soudain, un individu qui passait par là m'a reproché mon existence, moi, le symbole de nos viennoiseries nationales. C'était tellement bête que j'ai poursuivi sans piper mon chemin dans le gosier.

DD : C’est si mal de manger un pain au chocolat en plein ramadan quand on est un enfant gourmand ?

PC : Vous ne vous rendez pas compte. Cet individu s'est attaqué à la pureté de l'enfant en culottes courtes qui mange son goûter. C'est mal. Et l'agresseur n'est - peut-être ! - pas de chez nous et il est - sans doute ! - de confession musulmane ! La douce France fout le camp. Mais ce n'est pas le plus grave.

DD : Je ne comprends pas. Il y a plus grave encore qu’un musulman qui vole son goûter à un petit céfran ?

PC : Oui. Il y a plus grave : l'assaisonnement de l'affaire. Monsieur Copé, c'est le grand cuisinier du pire. Qu'est-ce qu'il fait ? Il raconte ce qui s'appelle une anecdote à visée pathétique et exemplaire, fille des exempla qu'on trouvait autrefois dans les sermons des prêtres. Une petite histoire édifiante insérée dans un discours, destinée à rassembler la communauté autour de valeurs morales communes. Bien sûr, le modèle est aussi très fructueux en politique. Aujourd'hui, Obama est le champion de ce type d'éloquence.

DD : Quel est le problème alors ?

PC : Le problème, c'est qu'entre-temps le