Ce qu'on remarque, d'abord, c'est son regard tellement clair, presque transparent, et son sourire un peu triste. On observe Abdelghani Merah, 36 ans, nous faire les honneurs de son petit appartement toulousain. Il s'excuse pour les cartons, il s'apprête à déménager dans une autre ville. «J'ai décidé de parler, une fois pour toutes, raconter ma famille, le rôle fort qu'elle a eu dans la dérive islamiste de mon frère Mohamed, dit-il. Je ne passe plus un instant sans penser à ses victimes. Je veux dénoncer la haine dans laquelle on a été élevés, la haine que les amis salafistes de mes frères leur ont transmise, dénoncer l'innommable que mon frère a commis. Je suis le frère du tueur, mais je suis solidaire de ses victimes. J'ai besoin de sortir tout ça de moi, tout ce que je sais. Ensuite, je quitte la ville, et j'essaie de me remettre à vivre.»
Il propose un thé, fait descendre son chat du canapé. Et on comprend à cet instant seulement ce qui nous trouble. Ce visage rond, ce crâne rasé, ce nez fin, ces yeux en amande, on les a vus et revus, partout, à la télévision, dans la rue sur les façades des kiosques, à la une des médias. Abdelghani est le portrait craché de son frère Mohamed. «Mais à l'intérieur, je suis l'inverse», sourit-il. La semaine prochaine, il publie Mon frère, ce terroriste, un témoignage que Libération a pu lire en exclusivité (