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Libération
EDITORIAL

Hypocrite

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publié le 5 décembre 2012 à 21h36

J'ai grandi aux Etats-Unis pendant les années 70. Mes premiers souvenirs sentent puissamment l'herbe que fumaient ma sœur ainée et ses potes, censés nous baby-sitter, mon frère et moi. Mon adolescence, c'est au Maroc que je l'ai passée ; une belle époque où, à peine entré en 3e, un ami me mettait un joint entre les mains. Mes parents ne se doutaient de rien même si, parfois, ils s'étonnaient que leurs enfants aient les yeux si jaunes et plissés. De cette enfance fumeuse et fumiste, la conséquence la plus dramatique fut que je devins journaliste. A Libération qui plus est ; dans ce quotidien qui, en 1976, lançait «l'appel du 18 joint» pour la dépénalisation du cannabis. Relire ce texte trente-six ans après, l'impressionnante liste des signataires, c'est prendre la mesure d'un retard typiquement français, car purement idéologique. Alors qu'ici et là aux Etats-Unis, en Amérique latine et en Europe, de nombreux pays légalisent ou dépénalisent les drogues douces, nous restons arc-boutés sur un dogmatisme prohibitionniste d'autant plus stupéfiant qu'il est partagé avec gravité par la gauche et la droite. Tout se passe sous le manteau, en cachette, de manière hypocrite, laissant au passage les parents seuls et inquiets face à leurs enfants envappés. Faire de la prévention ? Inutile, car ces drogues sont interdites. Contrôler la qualité et, donc, la toxicité de ce qui circule sur le marché ? Et pourquoi pas un Etat producteur de cannabis ! Regarder ailleurs dans