Je viens de relire le courrier que tu m'as adressé dans le Journal du dimanche. Alors je me permets de te répondre franchement.
D’abord je me méfie - c’est de nature - lorsque trop d’acharnement est tellement unanime. Tu évoques sans trop les citer des personnalités qui ont subi l’exil sans autre forme de procès. Tu as raison, pour eux aussi l’opprobre était unanime.
Mais, je te le dis, tu as tort de ne pas citer Victor Hugo ou Emile Zola. Car vois-tu, à la fin de l’histoire, on assassine toujours le prolétaire. On trouve toujours la faille chez lui - intime et qui existe probablement - de son inadaptation à la réussite sociale, même dramatique. Et, de ce point de vue, tu n’as rien à envier aux exilés célèbres.
Tu me diras qu’il y aura toujours pour toi la possibilité d’un procès en révision qui te donnerait une chance d’être réhabilité. Maintenant que tu as fait le pas et que tu n’es plus français, peut-être y aura-t-il, avec les avancées de l’Europe, une loi de je ne sais quelle nature rétrocessive, qui permettra de réhabiliter l’étranger que tu es aujourd’hui.
Et à tout prendre, je vais te le dire très sincèrement, il est toujours bon d’être étranger, de n’avoir sa place qu’à moitié et de ne se sentir - c’est un Français honteux qui te le dit - qu’à moitié responsable de ces tombereaux d’injures qui se déversent sur toi.
Il faut te dire que, moi, je me fous de ton pognon. La dernière fois que j’en ai entendu parler, dans les mêmes journaux qui te vilipendent aujourd’h