«Ça se fait trop pas !» Elle claque la porte, elle pique sa crise, sa grande crise, son «14-18» comme disent certains parents effarés devant leurs adolescents. Terrée dans sa chambre, figée dans un entre-deux incertain (déjà plus enfant, pas encore adulte), elle se regarde sans plus savoir qui elle est, elle ne se voit pas d'avenir autre que pénible à vivre et elle s'enferme dans un refus du monde tel qu'il est, dans une obsession narcissique et victimaire. Dans un tête à tête morbide, en spectatrice désabusée de son propre destin.
Elle, c'est Marianne, ou plutôt, la France. Pour décrire son «univers mental», Patrice Huerre et Mathieu Laine - l'un est psychiatre et psychanalyste, l'autre est essayiste politique - posent un diagnostic clinique : la France souffre d'une bonne dépression adolescente. Un état à prendre au sérieux, certes, mais pas rédhibitoire. Les auteurs démontent avec brio chacune des «grandes peurs» qui tenaillent les Français : la peur de l'autre, de l'étranger, la peur d'être envahi, de perdre son identité, la peur d'être agressé, incompris ou déclassé.
Dans Le pays où la vie est plus dure, Philippe Manière avait déjà identifié que les chocs de la mondialisation avaient provoqué, dans le cas de la France, «comme une blessure à la tête» : en déstabilisant la toute-puissance de l'Etat, cette mutation du capitalisme a heurté de plein fouet la représentation que le pays s'est construite de lui-même. Mathieu Laine et P