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Interview

«Depuis le Moyen Age, tout ce qui est haché a toujours effrayé»

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L'Europe à cheval sur sa viandedossier
Madeleine Ferrières inscrit le scandale actuel dans l'histoire de la viande en France.
De la viande hachée de cheval. (Photo Ina Fassbender. Reuters)
publié le 20 février 2013 à 15h32
Spécialiste de l’histoire de l’alimentation, Madeleine Ferrières, auteure de l’Histoire des peurs alimentaires (Seuil, 2001) et Nourritures canailles (Seuil, 2007) apporte un éclairage historique sur le récent scandale de la viande de cheval dans des plats au bœuf.
En quoi le scandale actuel s’inscrit-il dans l'histoire des peurs alimentaires ?

Tout ce qui est haché a toujours effrayé, et cela depuis le Moyen Age et les suspicions autour des petits pâtés et des tourtes - à la viande humaine dans les cas les plus fantasmés, ou au chat. En 1855, une lithographie du caricaturiste Honoré Daumier montrait deux bouchers en train de découper des chiens et des chats, avec la légende : «Manière dont on fait à Paris le saucisson de Lyon», dix ans avant la légalisation de la viande de cheval. La deuxième chose très ancienne que l'on retrouve dans les réactions à cette affaire est le dégoût qu'inspire l'hippophagie – au Moyen Age, il apparaissait impensable de manger du cheval, un compagnon de labeur à l'espérance de vie égale à l'homme. Ce qui est nouveau, ce sont les réticences autour de la viande de cheval, qui était défendue par les progressistes sous l'Ancien Régime. Autre nouveauté, ce scandale touche un plat plutôt fait maison, familial.

Comment la France en est-elle venue à légaliser la viande de cheval ?

La légalisation de la boucherie chevaline s'est faite en 1866 grâce à la pression des forces progressistes de l'époque. Démocrates et humanitaires disaient : "Voyez ce pauvre peuple, petit et rabougri, qui ne mange jamais de viande. Et voyez tous ces chevaux qu'on équarrit dans Paris et dont on ne sait que faire de la viande. Autant reconvertir le cheval en viande légale !" Pour la Société protectrice des animaux (établie en France à partir de 1845, ndlr), la meilleure façon de protéger le cheval était de le destiner à la boucherie. Le «cheval-taxi» dans Paris était mal