Quelques jours avant sa mort, Stéphane Hessel confiait à un ami : «Je suis en train de me défaire.» Exquise pudeur d'un vieil homme pressentant sa fin. Ultime lucidité de celui dont l'œuvre aura été sa vie même. Mais avant tout cette élégance qui en toutes occasions dictait son comportement. «J'ai rendu une visite de courtoisie à mon médecin», disait-il parfois, comme pour partager d'un sourire le constat de sa longévité. Chez lui, plaire était la politesse de l'intelligence.
Stéphane Hessel est resté, quelque part, ce petit garçon de trois ans qui, un soir de Noël 1920, à Berlin, dans l'appartement familial du très chic quartier donnant sur le Tiergarten, dansait devant un public ravi en faisant virevolter des brins de raphia bleus et rouges noués aux poignets et aux mollets. Sa gouvernante lui avait appris «à remplacer la fureur par la soif de plaire». Hélène, sa mère, lui transmettra par l'exemple la «faculté d'admirer». Autant dire que sa vie sera placée sous le signe de sa capacité à séduire et à être séduit.
Quand on naît un 20 octobre 1917 à Berlin doit-on s'attendre à une destinée ordinaire ? Ses parents sont des bourgeois bohèmes dans son acception la plus littérale. Ils se sont connus avant-guerre dans le Montparnasse des peintres et des poètes. Franz est le fils d'un banquier d'origine juive polonaise qui, en 1906, s'installe à Paris où il ne tarde pas à se lier aux artistes gravitant autour du poète Apollinaire, Marie Laurencin b