Alexandre Fuks, mon grand-père, fut autorisé à s'appeler Forest par décret du 31 octobre 1951 en application de la seconde ordonnance visant à faciliter les changements de nom «à consonance israélite». Lui et les siens, sa femme et son fils, abandonnaient ce patronyme, un mot yiddish venu de Pologne qui les désignait comme Juifs. Par décret du 26 octobre 2012, le ministre de la Justice, après examen attentif du «motif légitime», m'autorisait à reprendre ce nom si loin si proche, qui semblait perdu à jamais. Ce jour-là, j'ai pensé refermer une parenthèse ouverte soixante ans plus tôt, et renouer le fil d'une mémoire trop souvent amnésique, commune et singulière, celle de l'immigration judéo-polonaise en France. Au sortir de la guerre, nombre de ses représentants avaient souhaité quitter leur nom et ont fait le deuil de cet attribut encombrant. Après tout, la vie n'avait-elle pas plus de prix qu'un nom parfois imprononçable ? La République se montrait accommodante avec ceux qui, en quête d'un peu de quiétude, voulaient désormais se fondre dans le paysage, et revendiquaient un droit à l'indifférence sans pour autant renier leur identité.
A cette époque, la démarche de mes grands-parents reposait sur la seule volonté, ou le vague espoir de protéger mon père, enfant caché. De le faire à nouveau échapper à la mort en le cachant sa vie durant sous un nom d'emprunt. C'est ainsi qu'il changea de patronyme à l'âge de 15 ans, sans avoir participé à ce choix. Ses parent