«Rémi a 10 ans. Il est assis dans mon bureau. A côté de lui, ses proches parlent encore et encore du drame, terrible, qui a frappé la famille. Une situation d’extrême violence entre ses parents. Et Rémi s’endort profondément, dans le siège de mon cabinet.
«Le juge des enfants a une double casquette. Il juge les jeunes auteurs de délits, mais il est également chargé de la protection de l’enfance, prend les décisions d’accompagnement des familles ou de placement des enfants loin des parents. Ces enfants-là, en danger, je les tutoie presque systématiquement.
«Dans l’intimité de nos cabinets de juges se déroulent parfois des scènes de vie insolites. L’expression de chaque enfant ne passe pas seulement par la parole. J’ai déjà eu un jeune qui jouait au foot dans mon bureau, d’autres dessinent. Pour Rémi, le sommeil profond était de l’autoprotection, et une manière de signifier l’insupportable. Il était envahi par la violence du drame et surtout contraint, chaque jour, chez lui, à prendre parti au détriment de sa place d’enfant. Dans son histoire, la parole était un des éléments de la violence. Lui avait trouvé une autre manière d’exprimer ce trauma familial.
«Dans ces moments-là, le juge doit être vigilant : l’audition ne doit pas venir aggraver la situation dont nous devons justement préserver l’enfant. Sa parole, qui peut être dangereuse pour ses parents, ne doit pas se retourner contre lui. Rémi s’est endormi pour fuir. D’autres, au contraire, occupent bruyamment le terrain, pour