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Libération
Récit

«Le temps a permis de dénouer les choses»

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Karima était accusée d’agressions en groupe.
publié le 10 avril 2013 à 20h56

«Karima avait 17 ans quand elle est entrée pour la première fois dans mon bureau. Elle est obèse, très mal dans son corps, pleure sans cesse mais ne dit rien, ne donne rien. Elle semble soulagée d'être arrêtée - un phénomène qu'on voit régulièrement. Elle a commis plusieurs agressions avec un groupe de copines. "Pour un regard de travers", dit-elle, une formule que les juges des enfants entendent souvent. C'est une attitude propre aux adolescents qui se sentent menacés, le révélateur d'une impulsivité, ils ne donnent pas vraiment de sens à leur acte. C'est justement notre travail de donner du sens aux actes.

«C’est la seule fois en dix ans que j’ai affaire à un groupe de filles délinquantes. Contrairement à ce que pensent les médias, les "bandes de filles" sont rares. Les "bandes organisées" de jeunes, ça n’existe pas. Il s’agit plutôt de groupe d’opportunité, des gens du même quartier qui ont grandi ensemble.

«En ce qui concerne Karima, c’est sa première - et sa dernière - comparution devant un juge au pénal. Condamnée à un travail d’intérêt général, elle a compris la sanction, en avait même besoin. Au fil des mesures d’investigations qui sont systématiquement menées avant le jugement d’un mineur, elle va s’ouvrir peu à peu. Pendant des années, elle a été niée, réduite au silence par sa famille. Elle a été abusée par ses frères. Elle sait que si elle en parle, elle sera rejetée. On dit souvent que la justice des mineurs est trop lente mais, cette fois encore, le temp