Est-ce l'obésité galopante ou son contraire, l'anorexie récalcitrante ? Sont-ce les étiquetages mensongers qui nous font prendre du cheval pour du bœuf ? Ou le discours lancinant du bio à toutes les sauces ? Bien se nourrir est en tout cas la grande toquade du moment. Un acte exquis, sanctifié et mis sous surveillance par tous les médias. Comme si «être ou ne pas être» pouvait devenir «manger ou ne pas manger». Ou «manger pour oublier» en lieu et place de l'ancestral «boire pour oublier». Mais oublier quoi ? Que ce qui se passe dans ce bas monde n'est pas joli joli ? Manger peut alors passer pour le plus doux des dérivatifs à la morosité. Un moyen somme toute très simple de compenser la sinistrose, surtout si l'on pratique l'exercice à plusieurs. Et si avant de savourer les plats, on se plaît à les mitonner, on confine alors à la performance artistique. Celle qui autorise toutes les gourmandises élevées au rang de savoir-vivre, de plaisir de la chère agréé par l'opinion désœuvrée. Au contraire de la Grande Bouffe, réalisé en 1973 par le cinéaste italien Marco Ferreri, où l'on voit quatre hommes lassés de vivre, qui décident de manger jusqu'à ce que mort s'ensuive. Message critique de la société de consommation, le film fit scandale avant de devenir culte. Pas sûr qu'aujourd'hui il conserve une telle étoile. Non que la société de consommation se soit calmée, mais parce qu'on l'a bel et bien intériorisée. En mettant nos papilles gustatives à la fête, à s'en étourdir p
Éditorial
Au goût du jour
Article réservé aux abonnés
publié le 3 mai 2013 à 19h36
Dans la même rubrique
TRIBUNE