Jean-Pierre Poulain est sûrement fin gastronome, mais là n'est pas le propos de son Dictionnaire des cultures alimentaires. Professeur de sociologie à l'université Toulouse-II-Mirail et titulaire de la chaire de Food Studies : Food, Cultures and Health à la Taylor's University de Kuala Lumpur en Malaisie, il n'entend pas faire le classement des meilleurs restaurants dans le monde ni le palmarès de la cuisine la plus savoureuse selon les pays. Il préfère se placer en observateur, pour tenter de rassembler le regard de plusieurs disciplines, et parler d'anthropologie, de nutrition, d'agronomie. Comme il le dit lui-même, «ce livre aurait pu s'appeler dictionnaire du fait alimentaire, comme l'on parle du fait religieux ou du fait politique».
Vous consacrez un chapitre à Roland Barthes qui, dites-vous, «ouvre la voix à tout un pan de l’analyse psycho-socio-anthropologique de l’alimentation»…
Avec Lévi-Strauss, Barthes va permettre l'émergence de ce champ à l'intérieur des sciences sociales. L'alimentation, c'est quelque chose d'un peu marginal dans la culture française. Avec la gastronomie, la pratique était centrale, mais pendant très longtemps, le sujet a été considéré comme futile. Barthes s'intéresse à l'alimentation et que constate-t-il ? Dans les années 60, les Marie-Chantal du VIIIe arrondissement à Paris vont chercher du pain de campagne, des huiles d'olive de première pression à froid, du fromage de chèvre du Luberon. Elles commencent à emplir leurs appartements de meubles dont les paysans ne veulent plus : des maies, des horloges comtoises. Les brocanteurs sillonnent les campagnes pour les é