Membre du Haut Conseil de la famille et directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), la sociologue Irène Théry analyse la spécificité de la politique familiale à la française.
Le gouvernement n’a pas osé toucher à l’universalité des allocations familiales ? Trop risqué ?
Le gouvernement ne voulait pas de nouveau conflit après les manifs des anti mariage pour tous. Il est exact que les allocations sont un symbole fort d’une certaine politique familialiste qui fut mise en œuvre après la Seconde Guerre mondiale. Tout un ensemble d’organismes se sont mobilisés pour la défendre. C’est d’ailleurs intéressant d’avoir pu, dans les discussions qui ont lieu, observer des alliances assez étranges, par exemple entre la CGT et les associations catholiques de défense des familles. Du coup, les associations familiales ont sauvé la mise. Pourtant en réduisant le quotient familial, la gauche a osé faire le pas essentiel et reconnaître qu’il n’est pas forcément juste que toutes les familles, y compris les plus aisées, reçoivent une aide semblable. Cette mesure devrait satisfaire ceux qui veulent plus d’égalité sociale.
Vous ne dites pas politique familiale mais familialiste…
Parce que j'évoquais le temps où cette politique était fondée sur des valeurs très traditionnelles. Telle l'idée d'une supériorité morale de «la famille» sur l'individu célibataire, symbole d'égoïsme et de désordre sexuel. Cette politique valorisait la famille fondée sur le mariage, avec une complémentarité hiérarchique entre l'homme pourvoyeur de revenus et la femme au foyer. Le familialisme, c'est encore, me semble-t-il, la conception de c