Il y a, toujours, une forme d’indécence à écrire sur un mort, à faire des jolies phrases sur la mort d’un prochain, s’arroger la mémoire de cet inconnu familier pour se pousser du col et oublier d’un coup l’insondable distance entre les hommes, qu’une disparition, dans son émotion, brûlante, enlève. Anatole France, disait-on, adorait pérorer dans les cimetières, et l’on n’est pas forcé de se croire supérieur à lui, quand l’actualité immédiate nous oblige à disserter entre les tombes.
Clément Méric, un étudiant de 19 ans de Sciences-Po, a été frappé à mort, dans des circonstances épouvantables, avec une sauvagerie et une cruauté terribles. Il y a des morts scandaleuses par leur précocité, des morts révoltantes dans leur causalité, des morts qui sont des cataclysmes, parce qu’elles sont les symptômes de maladies que l’on croyait enfouies, et la mort de Clément Méric est assurément de ces trois genres-là, elle nous cueille un jeudi matin de vacances, un jeudi matin de juin, avec une violence qui ne procure que le dégoût et l’effroi.
Ainsi, donc, on peut mourir à 19 ans parce que quelques séides nazillons ont décidé, un soir de maraude, de nous retirer un camarade d’école, et d’infliger à l’ordre du monde une douleur infinie, celle de la jeunesse assassinée.
Ainsi donc, on peut mourir, non pour être, comme le dit le cliché journalistique, au mauvais endroit au mauvais moment, mais précisément, parce que le courage de l’engagement nous a commandé d’être ce que l’on est à chaque inst