Photo Stéphane Lavoué. Pasco
Une fillette déguisée en princesse, le faux satin et le tulle par-dessus jean et pull, c'est l'hiver. Campée dans une cour de ferme, elle claironne sans fin : «Ma-man, ma-man, ma-man !» Celle qu'elle appelle ainsi n'est pas sa mère, en tout cas pas au sens où la société l'entend.
Cheyenne Carron est réalisatrice, elle est née le 22 mai 1976 à Valence (Drôme). De celle qui l’a mise au monde, maltraitée puis abandonnée, elle a peu de souvenirs, si ce n’est celui, toujours précis, de la peur qu’elle lui inspire. De celle qui l’a recueillie, élevée, elle peut dire des heures l’amour inconditionnel. Ces deux sorts opposés jetés sur son berceau, elle ne les a pas choisis. Elle a fait comme font les enfants, elle a grandi en prenant ce qu’on lui donnait.
Mais pour ceux de la Ddass, comme on disait à son époque, ou de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) aujourd'hui, ce qui est donné risque parfois d'être repris. Le dogme d'une primauté du parent biologique, toujours très ancré, fait négliger les liens que l'on construit. C'est le cas lorsqu'un géniteur disparaît sans avoir renoncé à l'autorité parentale, puis ressurgit après des années. C'est l'histoire de Cheyenne Carron. Elle fut cette petite habillée en princesse, hurlant sa «vraie filiation». Elle en a fait un film, la Fille publique, qui sort en salle mercredi.
Amateurs de feutré et de pondération, s’abstenir. Cheyenne Carron part au quart de tour, pousse un petit cri de douleur