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Libération
Reportage

Le fascisme ordinaire d’Esteban M.

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A Neuilly-Saint-Front, où il a grandi, le meurtrier présumé de Clément Méric est connu pour ses dérapages. Pas de quoi émouvoir la population.
A Neuilly-Saint-Front (Picardie), en juin dernier. (Photo Vincent Nguyen. Riva Press)
publié le 13 juin 2013 à 20h26
(mis à jour le 14 juin 2013 à 10h49)

Il avait «ses opinions». Il était néonazi. Les habitants de Neuilly-Saint-Front (Aisne) se souviennent bien d'Esteban M., l'auteur présumé des coups qui ont tué Clément Méric la semaine dernière. Dans ce gros village de 2 000 habitants du sud de la Picardie, planté au milieu des champs de betteraves et de blé, tout le monde ou presque semble avoir déjà aperçu ce jeune skin de 20 ans parader dans les rues. Il avait le crâne rasé, portait un treillis militaire et des rangers aux lacets blancs. La plupart du temps, il était accompagné de trois copains au même look. Et interpellait les passants en faisant des saluts nazis. Les gamins du village prétendent qu'il est l'auteur des croix gammées gravées sur l'église et le mur derrière la mairie. Parfois, aussi, il chantait «la Marseillaise ou des trucs allemands contre les Juifs», raconte tranquillement un adolescent. «On l'a jugé sur ses vêtements. Y en a bien qui sont habillés comme des perroquets de toutes les couleurs, c'est pas mieux», estime la patronne d'un bar.

Accoudée à sa fenêtre en rez-de-chaussée, avec vue sur la rue principale du village, une jeune mère de famille, un bébé dans les bras, commente l'affaire avec son compagnon. «Oui, il faisait des saluts nazis ou des trucs comme ça, mais sans plus. C'était pas bien méchant.» Elle hausse les épaules lorsqu'on évoque la mort de Clément Méric. L'homme intervient d'un ton sec : «Ça suffit. Faut arrêter de dire qu'il l'a tué.» La j