Abu Kurke est un survivant. Il y a deux ans, ce jeune Ethiopien a failli laisser la vie sur un zodiac d’une dizaine de mètres, censé lui faire gagner l’Italie en moins de 48 heures. L’esquif, parti de Libye avec 72 personnes à son bord, dans la nuit du 26 au 27 mars 2011, n’atteindra jamais les côtes européennes. Après quinze jours de dérive, il est rejeté à Zliten, localité libyenne. Seuls 11 passagers sont encore vivants. Deux d’entre eux mourront après le débarquement. Abu Kurke fait partie des neufs migrants rescapés.
«Si je suis en vie aujourd'hui, c'est grâce à Dieu», confie-t-il. Le jeune homme de 26 ans vit aujourd'hui aux Pays-Bas. Il a fondé une famille, élève un petit garçon. Mais il n'a pas oublié : «Je fais souvent des cauchemars la nuit, je revis cette tragédie. On n'oublie pas facilement la mort de 63 personnes.» Aujourd'hui, Abu Kurke veut «témoigner». Le voilà à Paris pour raconter son périple et cette «aide qui n'est jamais venue».
Cette traversée funeste, en effet, s’est déroulée peu après le début de la guerre en Libye. A l’époque, la Méditerranée est quadrillée par les forces de l’Otan. Les avions français, américains et britanniques multiplient les raids pour stopper l’avancée des forces de Mouammar Kadhafi. Le canot pneumatique, durant ses quinze jours en mer, croise à plusieurs reprises la route d’avions, d’hélicoptères et de navires militaires. Dont l’aide ne viendra pourtant jamais.