«Médecin en prison, un métier normal dans un milieu qui ne l’est pas»Anne Lécu, médecin à la prison de femmes de Fleury-Mérogis
«Mais la chose qui m’a le plus écœurée c’est d’avoir vu les gens attachés pendant une semaine et plus. Je puis affirmer sous la foi du serment qu’on ne les détachait pas pour manger.»Docteur Rose, psychiatre de la centrale de Toul, 1972
«Depuis 1994, les soins en prison ne dépendent plus du ministère de la Justice, mais de l’hôpital le plus proche. La contention a disparu - même si on retrouve des situations qui m’y font penser aujourd’hui : le fait de mettre des gens dans des cellules lisses ou dans des pyjamas en papier pour éviter le suicide par exemple. Les fioles où on diluait les médicaments et qui étaient transmises aux détenus par les surveillants (pour réduire les trafics) n’existent plus. Ce sont les médecins qui les remettent en main propre... et les comprimés sont effectivement devenus une monnaie d’échange entre détenus. Ça illustre bien les tensions entre la sécurité et le soin. Pour nous ce sont des patients qui sont incarcérés. Pour les surveillants, des détenus qui sont occasionnellement malades.
«En prison, il faut renoncer à une partie de son pouvoir - ce qui est difficile pour un soignant. Certaines choses doivent rester sous le contrôle des surveillants. Par exemple le suicide : jamais je ne prescris une surveillance nocturne [le détenu dépressif est alors réveillé plusieurs fois par nuit, ndlr]. Soit la personne va mal et elle doit aller à l'hôpital. Soit elle ne va pas mal et ce n'est pas à moi d'intervenir sur la vie en détention.
«Est-ce que M. X est dangereux ? Son état est-il compatible avec le quartier disciplinaire ? Il y a des réponses auxquelles on n'a pas à répondre. A Fleury, contrairement à d'autres établissements, nous avons refusé de remplir la case «santé» du Carn