Un homme embrasse l'aube d'été. Il court autour d'une piscine puis sur une petite route de campagne. Une voiture, toute jaune, le dépasse. Il lui fait signe, il porte un immonde pyjama rouge rayé comme survêtement. La musique entêtante commence. «Le soleil vient de se lever / Encore une belle journée / Il va bientôt arriver / [gros plan sur la table du petit déjeuner et la boîte jaune si reconnaissable] L'ami Ricoré.»
On est en 1982, la pub sur cette poudre étrange qui mêle chicorée et café - une «saloperie», selon Laspales et Chevalier - déferle sur nos écrans depuis un an. Le produit lancé par Nestlé en 1953 ne prend son essor qu'avec cette campagne… pénible pour rester poli. «L'ami du petit déjeuner» vient donc tous les matins avec ses pains et ses croissants. Même si on veut dormir, même si on a la gueule de bois, il vient.
Les enfants lui sautent dans les bras et lui caressent le visage (est-ce bien lui le père ?). «Il choisit toujours la bonne heure, celle où on chante tous en chœur .» Un papa, une maman, un garçon, une fille, un chien et l'ami Ricoré, ce modèle du bonheur familial donne la nausée. Tellement il déborde de bons sentiments, tellement il fait prendre conscience que le meilleur ami du capitalisme est cette niaiserie ambulante qui nous pousse à nous aimer, à aimer les autres et à porter des salopettes rouges et une coupe au bol sur une mélodie lobot