«La première nuit bleue, c'est un peu comme la première nuit d'amour», lâche Toussaint, sur un ton légèrement provocateur. La comparaison est osée. Indécente ? Au fil du discours, on comprend néanmoins l'idée : avant, on fantasme ; pendant, l'excitation est à son comble ; après, on s'interroge sur les suites à donner. Une chose est sûre : nul n'oublie ce rite initiatique, même si la mémoire, ce formidable faussaire, a tendance à enjoliver les choses.
Sa première fois, c'était il y a un peu plus de trois décennies. Dans un passé immortalisé en noir et blanc. Il avait alors la petite vingtaine, davantage l'allure d'un dandy que d'un voyou, et la mèche rebelle. Pour lui, comme pour «toute une génération de Corses» - aujourd'hui âgés de 55 à 60 ans - l'engagement nationaliste a vraiment commencé en 1975, avec «les événements d'Aléria». Jusqu'alors, il n'avait aucune revendication identitaire. Mais les manières grandiloquentes de l'Etat, qui envoie hélicos et blindés pour déloger les occupants nationalistes d'une ferme viticole (pensant ainsi régler le «problème corse»), changent la donne. Il est profondément meurtri. Dès lors, il tourne le dos à ses études universitaires sur le continent, et rentre «au pays». «C'était de l'ordre de l'émotionnel», se souvient-il. Sa voix grave module et s'amplifie : «Le peuple corse est le plus pourri, le moins développé, mais c'est le seul qu'on aime.» Il laisse échapper un sourire, presque co