Le vendredi 1er avril 2005, Pierre Morel, ambassadeur de France près le Saint-Siège, rédige un télégramme diplomatique urgent : Jean Paul II est au plus mal. Il tient l'information d'une très bonne source, croisée la veille au palais Farnèse à l'occasion de la remise d'un prix littéraire à Stanislaw Rylko, la plume de Wojtyla, un des piliers du «clan des Polonais», les seuls ayant désormais un accès direct au souverain pontife.
Morel souhaite évidemment anticiper le plus possible l'incommensurable capharnaüm que promet d'être l'organisation des obsèques. Plus de vingt-six ans que ce genre de cérémonie n'a pas eu lieu, et les questions de sécurité sont désormais d'une tout autre nature. A l'Elysée, Maurice Gourdault-Montagne, le conseiller diplomatique de Jacques Chirac, jette immédiatement un œil à l'agenda. «God damn», ose-t-il dans sa tête, en souriant de son bon mot, ça tombe on ne peut plus mal. Le Président avait choisi de rentrer en campagne cette semaine-là, le référendum du 29 mai sur la Constitution européenne ne s'annonçant pas gagné pour les partisans du «oui».
Au Vatican, Jean Paul II a refusé d'être transféré à l'hôpital Gemelli, où il a déjà séjourné trois mois plus tôt. Il ne s'exprime plus désormais que dans sa langue maternelle et, outre Rylko, seuls deux autres Polonais communiquent directement avec lui : son secrétaire particulier, l'archevêque Stanislaw Dziwisz, devenu un personnage incontournable de la Curie romaine ; et Mieczyslaw Mokr