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Libération

La plainte des noyés

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publié le 30 août 2013 à 19h06

Comme un supplément d'image au film l'Inconnu du lac, d'Alain Guiraudie, cette photographie fixe un inconnu au bord d'un lac. Cet homme presque nu restera un inconnu, puisqu'il pose de dos. Pose-t-il ou le photographe l'a- t-il pris à son insu ? L'inconnu est soucieux de son confort, puisqu'il s'est assis sur un pliant et qu'il tient dans sa main droite un gobelet en plastique. Que boit-il ? De l'eau du lac ? Un soda ? La canette vide qui flotte derrière lui entre deux eaux semble valider l'hypothèse du Coca.

L'homme est replet et hâlé. Ce n'est pas la première fois qu'il vient bronzer ici, au lac des Ciments (Val-d'Oise), ancienne carrière de craie qui fut mise sous eau en 1968. Sous les pavés, la plage ? C'est ce que pensent les amateurs du site qui confluent de toute l'Ile-de-France pour s'y baigner. Mais depuis le 14 août, le lac est interdit, après trois noyades successives. On parle (Libération du 28 août), de remous dangereux, de courants traîtres…

L’homme scrute ce mystère mortel. Avec lui, pour peu que nous suivions en imagination la trajectoire de ses yeux, nous voyons plus loin. Insondable au regard, le lac des Ciments est peut-être très profond. Ses rives sont frangées d’arbres, pins ou sapins, persistants… C’est l’Ile-de-France, ce pourrait être les Alpes, un résidu de glacier. C’est son centre qui nous magnétise, là ou les baigneurs ont péri. Il nous vient des souvenirs d’épouvante qui nous subjuguent. Sans pousser sa barque jusqu’au Loch Ness,