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tribune

Le spectre de la récidive

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par Michaël Fœssel, professeur de philosophie à l’école Polytechnique.
publié le 20 septembre 2013 à 19h06

Nous ne sommes plus très à l’aise avec l’idée de punition. Il y a de bonnes raisons à cela : l’exigence pédagogique l’a emporté sur le devoir de punir. C’est une victoire des Lumières contre la morale religieuse du péché : le criminel n’est plus perçu comme un être foncièrement mauvais que le châtiment devrait anéantir, mais comme un sujet capable d’être amendé par une peine adéquate. Cette forme d’optimisme comporte néanmoins son revers. Ce n’est pas parce que l’on renonce à punir que l’on abandonne la répression. Une société qui ne sait plus très bien évaluer la faute se préoccupe de celui qui l’a commise. Il faut se méfier de cette sollicitude.

Le projet de loi pénale présenté par Christiane Taubira traduit cette ambiguïté. En créant des peines de probation pour les condamnations légères, il rompt avec l'idée, somme toute assez récente, selon laquelle la prison constitue la sanction par excellence. Le système carcéral s'impose seulement au cours du XIXe siècle, justement à une époque où il s'agit moins de punir un acte que de se prémunir contre un individu. L'enfermement vise moins le crime que le criminel (devenu «délinquant»). La prison permet à la société de garder un œil sur ceux qu'elle ne veut plus voir.

Après dix années de sarkozysme pénal, la peine de probation a le mérite de rappeler que l’incarcération n’est pas le seul moyen pour la société de se protéger d’elle-même. Ce projet de loi propose discrètement de maintenir dans l’ordre social une partie de