Il est sous le choc, mais il reste pro. Précis, rigoureux. Entendu le soir du drame après 22 heures par les enquêteurs de la brigade criminelle de Versailles, le conducteur du train qui a déraillé le 12 juillet en gare de Brétigny tente de détailler, en des termes parfois très techniques, les circonstances d'un accident qu'il ne comprend pas. Mis hors de cause quasi immédiatement par les enquêteurs, Matthieu (1), aux états de service parfaits, est pudique. A la dernière question des policiers - «Avez-vous autre chose à ajouter ?» -, le cheminot de 41 ans répond, simplement : «Je pense à tous ces gens. Je pense à eux, c'est tout.»
Pause. Conducteur de ligne à la SNCF depuis 1996, Matthieu retrace d'abord précisément aux enquêteurs sa journée du 12 juillet. Les policiers veulent comprendre si le protocole, très strict, a été respecté par l'employé. Et il l'a été. Ce matin-là, à 9 h 44, Matthieu travaillait après deux jours de repos. «J'ai eu un bon sommeil, je me suis levé en forme, explique-t-il. Les repos se sont bien passés avant.» Une fois levé, le cheminot consulte comme chaque jour une sorte de petite console électronique, baptisée Sirius, qui lui donne son emploi du temps. Au programme : deux allers-retours Paris-Limoges, au départ de cette ville. Matthieu respecte son planning à la lettre. Effectue la pause prévue et obligatoire entre 13 h 40 et 16 h 12. Puis démarre le train numéro 3657 de 16 h 5