Romain Sèze, sociologue, spécialiste de l'islam contemporain, a longuement côtoyé les imams sur le terrain. Il explique pourquoi il y a des suspicions à leur égard et pourquoi cette fonction n'attire guère les jeunes issus de l'immigration. Romain Sèze publie, ce mois-ci, Etre imam en France (1), ouvrage né de sa thèse.
Y a-t-il une façon d’être imam, en France et en Europe, différente de celle du monde musulman ?
Comme dans les pays à majorité musulmane, l’imam a plusieurs fonctions. C’est celui qui, à la mosquée, dirige les cinq prières quotidiennes et qui prononce le prêche du vendredi. Mais il sert aussi de conseiller. Régulièrement, les fidèles viennent le consulter : deux époux qui se disputent, des parents qui refusent que leur fille se voile malgré sa volonté, un jeune qui se demande s’il peut accepter un travail de barman en France. L’imam doit ajuster en permanence son discours à une réalité extérieure dévalorisante. La différence centrale, c’est le statut minoritaire des communautés musulmanes en France ou en Europe. Ces imams adoptent une position réaliste par rapport à ces questions sociales et aident leurs fidèles à adapter les normes islamiques au contexte français.
Comment répondent-ils, selon vous, aux parents dont la jeune fille souhaite se voiler malgré leur réticence ?
S’agissant du voile, ils réunissent les différents acteurs. Ils s’assurent des convictions de la jeune femme, ils lui rappellent les difficultés liées à cette pratique en France (risques de stigmatisation ou de discrimination à l’embauche), puis ils cherchent une solution satisfaisante pour tous. Par exemple, repousser ce choix à plus tard, une façon de s’assurer de la maturité spiritu