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Libération
TRIBUNE

Vous mourrez quand même

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publié le 17 octobre 2013 à 18h06

«Mort de Patrice Chéreau d'un cancer du poumon. N'est-ce pas la cigarette qu'il faudrait vendre en pharmacie et enfermer dans le coffre à toxiques ?» Il est proprement glaçant de mesurer à quel point la propagande sanitaire qui a cours aujourd'hui - et depuis un certain temps déjà - peut faire perdre toute décence en instrumentalisant ainsi la mort d'un artiste dont on retiendra au premier chef l'extraordinaire aptitude à faire jaillir, tel un sourcier, la plus grande force de vie des zones les plus obscures, les plus perdues de la vulnérabilité humaine.

Ce gazouillis malvenu ne saurait être mis sur le compte d'une simple maladresse, il est dans la droite ligne de la «mobilisation générale contre le tabac» décrétée, avec les meilleures intentions du monde sans doute, cette fois par Marisol Touraine : à lire la liste des lieux, y compris à l'air «libre» (!), où fumer devrait devenir un délit, à apprendre qu'ici ou là dans le monde, la réglementation impose de superposer des avertissements antitabac sur les scènes où les personnages d'un film fument, on éprouve comme un malaise. Car le ton unilatéralement hygiéniste, asphyxiant pour le coup, de ces campagnes dites «de prévention» évoque fâcheusement de fort sombres périodes de l'histoire. Le Troisième Reich, on le sait - ou peut-être l'ignore-t-on -, fut en la matière un très troublant précurseur. Sans doute est-il de fort mauvais goût de rappeler de nos jours ce fait désagréable, mais au moins nous o