Début des années 80. Malgré des mobilités résidentielles et sociales inédites, malgré Mai 68, la structure de la société française a peu évolué depuis la guerre. Avec une bourgeoisie blanche et encore très chrétienne, et des ouvriers qui ressemblent à des ouvriers. Parmi eux, les «travailleurs immigrés» sont majoritaires, en particulier parmi les moins qualifiés. Mais à peu près invisibles, y compris dans les luttes. Même lorsqu’ils prennent le risque de les mener seuls comme en 1983… et trouvent les syndicats et le gouvernement socialiste face à eux.
Plus invisibles encore sont les enfants de ces immigrés. Une jeunesse qui n’a pas vraiment de nom. Certains se disent jeunes Arabes (en référence au panarabisme), d’autres jeunes immigrés ou jeunes banlieusards… En réalité, c’est une jeunesse très métissée, mais bientôt, ce seront les «Beurs», car ils seront reconnus par les médias et le monde politique comme Arabes et non comme Français. Il ne s’agit pas de juger l’histoire : c’était la France du tournant des années 80, vingt ans après la fin de la guerre d’indépendance algérienne. Cette jeunesse est néanmoins en pleine effervescence. Au début des années 80, elle devient plus nombreuse que leurs parents, immigrés qui vieillissent déjà et meurent tôt. Qui le sait alors ? Pas grand-monde. Ces jeunes n’existent pas dans l’imaginaire collectif de ce qu’est la France, jusqu’aux «rodéos» des Minguettes à Vénissieux, à l’été 1981. Seuls quelques spécialistes et élus de terrain sont dé