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Interview

Christiane Taubira : «Des inhibitions disparaissent, des digues tombent»

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Racisme, incitation à la haine : ASSEZdossier
Pour Christiane Taubira, les attaques racistes dont elle fait l’objet sont plus que des simples «dérapages».
publié le 5 novembre 2013 à 21h36
(mis à jour le 6 novembre 2013 à 9h06)

La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a accepté de parler longuement, pour la première fois, des violentes attaques qu'elle a subies ces derniers mois - et qui n'étaient pas les premières. Mais, surtout, de son inquiétude sur une France où quelque chose «se délabre».

Vous avez subi des injures racistes d’une enfant, lors de manifestations contre le mariage pour tous. Cela vous a surprise ?

Venant d’une préadolescente, forcément. Cela renvoie évidemment à ses parents, au cadre familial, à l’éducation - je suis triste, en réalité, pour elle. Mais cela dit, plus profondément, que dans notre société, des choses sont en train de se délabrer. Au-delà de mon cas, ces attaques racistes sont une attaque au cœur de la République. C’est la cohésion sociale qui est mise à bas, l’histoire d’une nation qui est mise en cause.

Constatez-vous plus généralement un dérapage de la parole publique ?

Ce ne sont pas des dérapages, qui sont des inattentions, c'est infiniment plus grave ! Il s'agit très clairement d'inhibitions qui disparaissent, de digues qui tombent. Cela ne date pas du mois dernier : en réalité, nous l'avons vu venir. Je ne vais pas vous faire le florilège de ce à quoi j'ai eu droit depuis que je suis aux responsabilités : les propos qui ont accompagné ma nomination [«Quand on vote FN, on a la gauche et on a Taubira», avait alors dit Jean-François Copé, ndlr], l'hystérie pendant les débats sur le mariage pour tous, les choses qui circulent sur Internet… Le «gorille», j'y avais le droit dès le début de l'année, de la part d'opposants au mariage pour tous. Le cabinet s'inquiétait de savoir s'il fallait porter plainte, je leur ai dit qu'on