Vous nous reprochez quoi d’être noir, gros, maigre, handicapé, trop jeune, trop vieux, pas assez viril, prisonnier, queer, gay, hétéro, prostitué(e), pauvre, drogué, dopé, faible, une femme, un homme, fatigué… ? De ne pas avoir le même corps, sexe, sexualité, genre que vous ? Et vous, vous auriez un meilleur corps que nous ? C’est quoi un corps normal ? Jusqu’où dois-je vous obéir pour être intégré dans votre domination normalisatrice sinon masculine ? Je suis toujours pour les autres trop ou pas assez. Malgré les lois, vous voudriez décider le bon corps de l’ivraie.
Avoir un corps est devenu un délit. La peau noire d’une ministre, le délit de sale gueule du jeune de banlieue qui cherche un premier emploi, le manque d’énergie d’un président de la République en rapport à la débauche survoltée du précédent, la chasse au désir prostitué, l’exclusion d’une élève rom arrêtée dans le corps de sa classe, le manque de gnac de l’équipe de foot face à l’Ukraine, l’enfermement d’une Pussy Riot dans un camp en Sibérie, le balancement d’un réfugié climatique emporté par l’ouragan, le froid du sans-abri au bas de mon immeuble devant lequel je passe chaque jour, la lenteur d’une personne âgée à la boulangerie qui me retarde… autant de situations corporelles que vous dénoncez du haut de votre corps !
Le délit corporel serait ici d'avoir un corps enrichi jusqu'à l'obésité ou amaigri par la maladie ou handicapé par l'accident, une couleur de peau qu'il faudrait dépigmenter, mais pour ressembler