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Libération
Interview

«En tant qu’abolitionnistes, la morale ne nous intéresse pas»

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Prostitution : faut-il pénaliser les clients ?dossier
Lucie Sabau, d’«Osez le féminisme», explique les clichés qui faussent le débat.
Un défilé pour l'abolition de la prostitution, le 23 novembre, à Paris. (Photo Bruno Charoy)
publié le 26 novembre 2013 à 21h46
(mis à jour le 27 novembre 2013 à 16h58)

Lucie Sabau est militante à Osez le féminisme (OLF) et sympathisante du Nid, une association d’aide aux prostituées.

Pourquoi les abolitionnistes sont-ils peu audibles dans les médias ?

D’une part, les survivantes de la prostitution qui acceptent de témoigner à visage découvert sont rares. Parmi elles, Rosen Hicher et la Britannique Rebecca Mott sont devenues de vraies militantes. Pour parler de prostitution, l’image choisie est toujours une paire de jambes ou une poitrine, une femme morcelée. Il y a une subjectivité patriarcale qui structure le choix des images, d’autant que les médias sont encore dirigés par des hommes blancs de plus de 50 ans. D’autre part, le traitement médiatique de l’abolitionnisme est emblématique d’un état de fait : les analyses des associations féministes ne sont relayées dans les médias que depuis quelques décennies. Et puis, les associations féministes traditionnelles n’ont pas les mêmes moyens de se faire entendre que les lobbys pro-prostitution : on fait moins de bruit sur la Toile, on n’est pas soutenu par les clients qui ont de l’argent. Ces lobbys pro-prostitution ont aussi tuyauté des associations de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles, et bénéficient de leur appui financier.

En tant que responsable du groupe «éducation aux sexualités» d’OLF, quelle vision défendez-vous ?

Le premier enjeu du combat contre le système prostitueur est de rendre possible la libération des sexualités des femmes. L’autre est de lutter efficacement contre le viol, soit les rapports sexuels non désirés dont la prostitution fait partie. Je refuse de compartimenter les femmes des réseaux, les indépendantes et celles