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TRIBUNE

Prostitution ou la délicate neutralité de l’Etat

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publié le 27 novembre 2013 à 17h36

Le texte visant à sanctionner les clients de prostituées, examiné à l’Assemblée nationale, s’inscrit dans une longue liste d’interventions des pouvoirs publics visant à protéger les individus, éventuellement contre eux-mêmes. Je souhaiterais, ici, montrer que cette question illustre de façon assez exemplaire le débat autour de la neutralité de l’Etat.

Les défenseurs du projet de loi considèrent la prostitution comme une atteinte à la dignité humaine. Il conviendrait donc d’œuvrer en faveur de son abolition, la pénalisation des clients étant analysée comme un moyen efficace d’y parvenir. En face d’eux, on trouve les partisans d’une conception minimaliste de la liberté politique pour lesquels être libre n’est rien d’autre et rien de plus que le fait de ne pas être soumis à la volonté d’autrui. Pour ces derniers, toute autre approche serait de nature à remettre en cause la neutralité de l’Etat par rapport aux diverses conceptions du bien. En d’autres termes, il n’est ni permis ni souhaitable d’inciter les citoyens à la vertu. Mais, si l’on ne peut promouvoir une certaine vision de l’excellence humaine par la coercition, est-on autorisé à inciter les individus à choisir les conditions qui leur permettraient de vivre le plus dignement possible ?

La plupart des traditions en philosophie morale distinguent les devoirs envers autrui et ceux envers soi-même. Ces devoirs sont clairement asymétriques : on ne peut, en effet, identiquement réprouver le meurtre et le suicide. Certains philo