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Libération
Libé 2053

Paris, la vue mode d’emploi

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En mal d’exhibition, la capitale a procédé à un grand ravalement de façades, avec baies vitrées à tous les étages. Les Parisiens s’offrent en spectacle de jour comme de nuit, au travail, au restaurant et dans leurs appartements.
par Philippe Vasset, Ecrivain
publié le 29 novembre 2013 à 17h06

Cet article d'actualité-fiction a été publié dans notre édition spéciale «Libération en 2053», à l'occasion des 40 ans du journal.

Aquarante ans d’intervalle, presque rien n’a changé : je retrouve, rue du Faubourg-Saint-Denis, les petits magasins d’alimentation, les vendeurs de kebabs et les bars à chichas méticuleusement préservés par une municipalité visiblement soucieuse d’offrir aux touristes étrangers une authentique expérience parisienne. A tel point qu’il me suffit d’enlever mes lunettes pour me croire en 2013 : dans la brume de la myopie, je retrouve, intacte, les mêmes lignes qu’il y a quarante ans et sens, sous mes pieds, le même bitume légèrement élastique. Manquent juste les odeurs, et le bruit aussi : désormais, tout glisse, s’enclenche, s’emboîte.

En 2013, j'ai quitté Paris, obsessionnellement arpenté pendant près de vingt ans : je ne supportais plus de voir la ville devenir sa propre caricature vernissée, et de me cogner sans cesse à ses murs désormais aveugles. Lors de la fête destinée à donner un tour définitif à mon départ, j'avais parié avec un jeune journaliste de Libération que je ne reviendrais pas avant quarante ans. Le 28 novembre 2053, je recevais un aller-retour pour la gare du Nord accompagné d'un mot me rappelant malicieusement cet engagement. Et me voilà de nouveau rue du Faubourg-Saint-Denis.

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