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Libération
TRIBUNE

Humaniser la mort

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par Dominique Eddé, Ecrivaine
publié le 1er décembre 2013 à 17h06

Bernard et Georgette Cazes, tous deux âgés de 86 ans, se sont donné la mort, à l’hôtel Lutetia, vendredi 22 novembre. Ils voulaient quitter la vie avant qu’elle ne les dégrade ou ne les sépare. Ils ont tout essayé pour accomplir ce dernier voyage, planifié de longue date, comme ils le souhaitaient : en douceur. En vain.

La société dans laquelle nous vivons ne sait pas traiter avec la mort. Elle ne sait pas faire la différence entre ceux qu’il faut aider à vivre et ceux qu’il faut aider à partir. Il eut suffi de peu, une pastille létale, pour que ces deux êtres à la lucidité et au courage exemplaires puissent s’endormir sans effroi, dans les bras l’un de l’autre. Au lieu de quoi, ils ont enduré le sinistre parcours de ceux qui veulent se retirer sans se rater et sans violence. Or il n’y a pas, il n’y a aucun moyen de garantir ces deux conditions - ni risque d’échec ni violence - en dehors du recours à cette pilule. Les recherches sur Internet le prouvent. Dans cette jungle d’informations, plus ou moins fiables, toute trouvaille est assortie d’un inconvénient majeur, d’une terreur ajoutée. Telle dose de ceci ou de cela ne suffit pas. La menace du vomissement pèse sur toutes les options de prise de cachets. Les «mesures de garanties» d’un acte abouti sont traumatisantes. Cela s’appelle notamment le «kit de la mort» : la bonbonne d’hélium et le sac en plastique. Les Cazes y ont eu recours.

Ils laissent deux lettres derrière eux.

L'une, destinée à la famille et l'autre au procureur