Abdellali Hajjat est sociologue, maître de conférence en science politique à l'université de Paris-Ouest Nanterre. Il est l'auteur de la Marche pour l'égalité et contre le racisme (éditions Amsterdam, 2013).
Pourquoi comparez-vous la Marche pour l’égalité et contre le racisme à un Mai 68 des jeunes issus de l’immigration ?
Comme en mai 1968, c’est une mobilisation qui a scellé des alliances entre des acteurs très différents : des jeunes des quartiers issus de l’immigration post-coloniale très stigmatisés, des chrétiens de gauche, des militants associatifs rejoints par une partie du gouvernement. Par ailleurs, comme Mai 68, elle a été vecteur de socialisation politique pour beaucoup. On a vu, après la marche, la création de plusieurs centaines d’associations dans les quartiers. Bien que fragilisé, ce tissu associatif est encore très largement marqué par ces militants.
Qui étaient les marcheurs ?
Il y avait, pour résumer, trois profils. Les jeunes de SOS Avenir Minguettes, à Vénissieux, peu politisés, plutôt en déscolarisation, pas militants. Des jeunes déjà investis dans le militantisme, notamment dans le collectif de Paris, mais aussi de Lyon, qui s'étaient retrouvés à la fin des années 70 autour du journal Sans frontière. Ceux-là bénéficiaient d'un capital économique et culturel plus important, ils étaient souvent issus de familles militantes, dans le nationalisme algérien ou le syndicalisme ouvrier. Et un troisième profil, pl