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TRIBUNE

Pourquoi ne pas écouter les travailleuses sexuelles?

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Prostitution : faut-il pénaliser les clients ?dossier
Les abolitionnistes veulent abolir l’industrie du sexe, peu importe le prix en termes de vies humaines.
par Nicola Mai, professeur de sociologie à la London Metropolitan University
publié le 3 décembre 2013 à 19h00

La panique morale sur la criminalisation des clients des travailleuses sexuelles qui anime actuellement le débat public français repose sur une fiction. Celle que la majorité des travailleuses sexuelles sont victimes de la traite. En fait, c’est le contraire qui est vrai. Cependant, sur la base de cette fiction, de dangereuses campagnes abolitionnistes demandant une pénalisation des clients comme moyen de combattre la prostitution ont des chances d’être couronnées de succès. La pénalisation des clients, de fait, sanctionnera l’industrie sexuelle qui sera repoussée vers la clandestinité, favorisant l’exploitation et la traite des travailleuses sexuelles.

C’est ce qui s’est passé à Londres suite à la pénalisation des clients en 2009 et aux redoublements des mesures de lutte contre la traite dans l’industrie sexuelle au moment des Jeux olympiques de 2012. Il n’y a pas eu d’augmentation de la prostitution durant les Jeux. Seulement une augmentation des opérations de police qui utilisent la traite comme prétexte à la fermeture de nombreux établissements. En conséquence, beaucoup de personnes, la plupart des femmes migrantes vulnérables, ont perdu leur travail et ont dû renégocier le travail sexuel dans des conditions plus précaires, ce qui favorise inévitablement l’exploitation et la traite. L’autre conséquence de ces actions durant les Jeux olympiques fut une baisse significative dans l’utilisation de services de santé sexuelle. Les travailleuses sexuelles, mises en condition, se