Les adversaires du sexe tarifé prétendent légiférer au bénéfice d’une nouvelle classe d’individus : les «personnes prostituées». Bel exemple de la dégradation d’un concept philosophique en élément de langage. Mais que veulent dire les promoteurs de la proposition de loi en réduisant le nom «prostitué» au rang d’adjectif et en lui accolant le terme de «personne» ?
Apparemment, ce procédé a pour but d’exprimer le respect que, en dépit de son projet de leur rendre la vie impossible, le législateur porte aux prostituées. C’est justement Kant, le penseur du respect, qui donne ses lettres de noblesse au concept : une «personne», dit-il, n’a pas de «prix», seulement une «dignité». La personnalité humaine ne s’achète pas, ce qui semble rejoindre le but des abolitionnistes.
Il est vrai que Kant a pointé le risque de la relation prostitutionnelle : que l'une des deux parties traite l'autre «comme un rôti de porc que l'on mange pour apaiser sa faim». C'est l'idée que les 343 salopards semblent se faire du corps des femmes, mais cela ne dit pas encore l'essentiel. Kant a aussi parlé du mariage dans des termes plus mercantiles que romantiques. Pour lui, le contrat marital garantit «l'utilisation réciproque qu'un être humain fait des organes et des facultés sexuels d'un autre être humain». A bien y réfléchir, la définition vaudrait pour la prostitution consentie, la seule dont il soit ici question. Ce qui est constant dans le mariage (le fait qu'un individu abandonne à un