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TRIBUNE

La guerre aux drogues : une guerre raciale ?

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par Louis-Georges Tin, Président du Conseil représentatif des associations noires (Cran) et Fabrice Olivet, Secrétaire général de l’Association française pour la réduction des risques (AFR)
publié le 15 décembre 2013 à 17h06

«La plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c'est un fait», déclarait Eric Zemmour le 6 mars 2010. Dès lors, si vraiment «c'est un fait», de deux choses l'une, soit les Noirs et les Arabes sont prédisposés à la délinquance, soit il y a un biais racial dans le système. Aujourd'hui, trente ans après la fameuse «Marche pour l'égalité», la génération des marcheurs a subi une véritable hécatombe. Nombreux sont ceux qui sont morts à cause de la drogue, ou plutôt à cause de la manière dont est menée cette croisade. La guerre aux drogues n'est-elle pas en fait une guerre raciale ?

Aux Etats-Unis, cette hypothèse a été confirmée avec brio par plusieurs chercheurs, et notamment par Michelle Alexander. Dans son livre célèbre, The New Jim Crow, Mass Incarceration in the Age of Colorblindness, elle évoque la «guerre aux drogues» lancée par Nixon dans les années 70. Conçue à une époque où la consommation de drogue était plutôt en baisse, cette campagne massive permit de focaliser l'attention des médias sur les toxicos et les dealers noirs, bien que toutes les statistiques montrent qu'en matière de consommation et de trafic, les Noirs n'en font pas plus que les Blancs. Les médias, la police, la justice, tout le système a ciblé non les circuits de la drogue en général, mais les circuits noirs de la drogue. Ainsi, la détention de 5 grammes de crack (drogue des Noirs pauvres) devint aussi grave pénalement que la possession de 500 grammes de cocaïne (drogue des