C’est une honte que je n’écrive pas ceci en français. Qu’est-ce que je fabrique dans votre journal ? Vous devriez vous plaindre. Je me sens encore plus étranger. Faisons donc de nécessité vertu. Je vais vous raconter ce que ça fait, justement, d’être un étranger à Paris. Commençons, si vous le voulez bien, par les récriminations.
Bon, je parle plutôt bien le français. Je connais des mots comme néfaste, affligeant, suicidaire. Et même cibiche (ce qui fait de moi un dieu absolu du sexe dans les boîtes réservées aux plus de 80 ans). Alors pourquoi faire cette tête quand je parle français ? Est-ce que je vous fais mal, suis-je en train de vous tirer les cheveux ou de vous pisser dans les poches ? Et j'ai remarqué que ceux qui sont les plus susceptibles de faire cette tête ne sont pas exactement eux-mêmes des Voltaire. Savez-vous pourquoi la langue anglaise est planétaire (au-delà du fait qu'elle compte dix-neuf fois plus de mots que le français) ? Parce que l'accent n'a aucune espèce d'importance. Quand nous disons du bien de votre anglais, vous pensez toujours qu'on parle de votre accent. Erreur. Nous nous contrefichons de votre accent. Et trouvons pour le moins bizarre que vous puissiez faire cas du nôtre.
S'il vous plaît, dites-moi pourquoi vous détestez tant les pigeons ? Tous les jours, je vois des gens qui encouragent gaiement leur gamin ou leur chien à attaquer ces pauvres innocents. Les pigeons appartiendraient-ils à la classe ouvrière ?