On peut être rom et étudier à la Sorbonne. On peut être rom et être française. On peut être rom et ressembler à n’importe quelle étudiante en droit de 23 ans. On peut même, incroyable, être rom et n’avoir jamais volé quoi que ce soit (ni monnayé d’interview).
Pour aller vite, Anina Ciuciu incarne la «Rom intégrée». Elle n'est pas la seule, mais c'est la seule qu'on entend. C'est sa force et son drame. «On me présente comme une exception alors que je n'ai rien d'exceptionnel. Des étudiants roms dans un amphi, ça devrait être banal», commence-t-elle dans le café du Panthéon où on la retrouve après ses cours. Elle a raison. Elle est aussi bien trop lucide pour ne pas ignorer qu'on en est encore loin. Alors, elle enfile son armure de vaillant petit soldat de la cause rom et elle parle. Il lui faut forcer sa nature réservée, se raconter, sortir du rang. Elle s'y astreint par devoir, fière de ses origines, sûre de son indignation.
Sur les télés, les radios, voix douce et parler clair, elle démonte les clichés. Oui, 90% des Roms sont sédentaires depuis des générations. Non, elle n'est pas née dans une caravane, sa mère ne fait pas cuire du hérisson et son père joue de la guitare comme un manche. Oui, il y a d'autres Roms «comme elle» et, si on ne les voit pas, c'est leur droit. «Ce n'est pas facile de se dire rom aujourd'hui, ça reste un préjudice.» Elle dit tout cela à qui veut l'entendre et surtout aux autres. Ses copains de fac, l'électricien qui n'en re