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Interview

«On assiste à une forte dérive de la psychiatrie»

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Denys Robiliard, rapporteur d’une mission parlementaire sur la santé mentale, pointe une forte augmentation des mesures de contention et des hospitalisations sous contrainte.
Dans un hôpital psychiatrique de Lyon, en 2006. (Photo Jean-Philippe Ksiazek. AFP)
publié le 25 décembre 2013 à 18h26
(mis à jour le 28 décembre 2013 à 10h29)

Denys Robiliard poursuit son chemin. Dans une relative solitude, ce député socialiste du Loir-et-Cher a porté pendant un an une «mission d'information sur la santé mentale et l'avenir de la psychiatrie». Il l'a fait, sans œillère, recevant tous les acteurs de cet univers fragmenté. En mai, dans un prérapport, il avait pointé une «hausse énorme» du nombre d'hospitalisations en psychiatrie sans le consentement de la personne : plus de 50% en cinq ans. Etat des lieux, à l'occasion de la fin de sa mission, d'une psychiatrie publique en panne d'avenir.

Ces dernières années, il y a eu beaucoup de rapports sur la psychiatrie qui préconisaient souvent des recommandations similaires. Mais ils n’ont pas été suivis d’effet…

Aucune des recommandations n’a en effet été mise en œuvre. Peut-être que cela pointe une force d’inertie du côté des soignants en psychiatrie, une sorte de résistance au changement.

Quel est votre diagnostic ?

Le paysage psychiatrique n’est pas stable, et surtout il ne va plus l’être. D’abord, il est clairement confronté à un problème d’effectifs, avec des perspectives délicates : plus de 20% des postes de psychiatre sont vacants dans le public.

En même temps, il n’y a jamais eu autant de psychiatres en France…

Nous avons une forte densité : 22 psychiatres pour 100 000 habitants. Seule la Suisse fait mieux avec 45. Mais nous avons une mauvaise répartition entre le public et le libéral. Et même dans le libéral, s’il y a pléthore de psychiatres dans certaines zones, d’autres sont assez dépourvues : 80% des psychiatres exercent dans des villes de plus de 50 000 habitants. Comme pour le reste des médecins, nous avons de forts déséquilibres régionaux et, dans cinq ans, près de 40% des psychiatres vont prendre leur retraite.