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témoignage

«On travaille sur l’estime de soi»

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Bastien Sueur, prof de philo, coordinateur au Lycée de la Nouvelle Chance à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise).
publié le 7 janvier 2014 à 21h06

«J’enseigne depuis 1996 dans des établissements classiques. C’est ma deuxième année dans ce lycée qui accueille des décrocheurs. Ce qui m’a surpris, c’est l’ampleur des difficultés auxquelles certains jeunes sont confrontés, pas seulement scolaires, souvent aussi d’ordre psychologique. En tant que prof, on se sent impuissant, démuni. Pour moi, c’est la leçon principale : il faut relativiser les choses. On ne peut plus être dans le fantasme du prof tout-puissant qui croit pouvoir maîtriser l’apprentissage de ses élèves, qui se sent responsable de leurs succès et de leurs échecs. Les élèves portent en eux beaucoup de choses qui font obstacle. Le prof ne sait pas pourquoi celui-ci apprend ou n’apprend rien. On ne peut maîtriser la boîte noire de l’élève. A un moment, il faut lâcher prise et prendre un peu de hauteur.

«Le décrochage est souvent révélateur des dysfonctionnements de l’école. Même si elle n’est pas la seule responsable, elle aggrave souvent les difficultés. Nos expériences au sein des microlycées pour décrocheurs devraient irriguer les établissements classiques et faire évoluer les pédagogies. On n’enseigne plus seul face à la classe, on ne voit plus l’élève par le seul prisme de sa discipline. On est obligé de travailler avec les collègues d’autres disciplines, avec les psychologues, les assistantes sociales, les conseillers d’orientation. Pour faire passer notre enseignement, on doit chercher les centres d’intérêt des élèves. Si un lycéen est passionné de cinéma,