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Libération

«Cet emballement s’inscrit dans le temps long»

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Marc-Olivier Baruch. titulaire de la chaire d’histoire politique de l’administration à l’EHESS (1) :
par Marc-Olivier BARUCH
publié le 9 janvier 2014 à 21h36

«Le droit peut parfois aller très vite, comme on l'a vu hier à Nantes d'abord, puis in extremis à Paris. Il n'est pas certain que cette justice en temps réel, relayée et commentée dans l'instant par la presse et les réseaux sociaux, soit la plus sereine qui soit. Mais puisqu'il y avait urgence, autorités administratives et judiciaires se sont prononcées dans l'urgence. Pourtant, c'est dans le temps long que cet emballement s'inscrit : c'est en janvier 1965 que Vladimir Jankélévitch - combien manque sa voix puissante face aux sinistres bouffonneries d'aujourd'hui - s'indignait que "applaudir aux fours crématoires [puisse être considéré] comme une opinion".

«C'est en 1996 que la cour de Strasbourg refusa aux négationnistes français la protection de la convention européenne des droits de l'homme dont, estimait-elle, ils bafouaient les principes. Plus près de nous, c'est en 2009 que, par l'avis Hoffman-Glémane, le Conseil d'Etat souligna l'importance symbolique de la "reconnaissance solennelle du préjudice collectivement subi par les personnes victimes des persécutions antisémites ainsi que du souvenir que doivent à jamais laisser, dans la mémoire de la nation, leurs souffrances exceptionnelles et celles de leurs familles". En d'autres termes, nous ne sommes plus en 1933, lorsqu'il s'agissait de laisser René Benjamin, écrivain maurrassien - qui devait s'illustrer sous Vichy comme hagiographe du maréchal Pétain - prononcer ou non une conférence sur Georges Courte