On pense toujours à la justice comme à un rituel immuable : la barre, les trois juges en robe, le public. Or la plupart des dossiers se traitent déjà aujourd’hui bien loin de ce décorum. C’est ce qu’on appelle la «justice de cabinet» : juge des enfants, juge aux affaires familiales, juge des tutelles… Et de nouvelles formes de justice ont accru ce phénomène depuis dix ans. La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (appelée aussi le «plaider-coupable») permet au procureur de négocier une sanction avec le mis en cause, sans passer par le procès, si celui-ci reconnaît les faits. Les audiences en cabinet ont pris une telle importance que le juge en a parfois été «invisibilisé», source d’une crise identitaire dans la magistrature, comme l’analyse Jean Danet, dans une étude qu’il a dirigée (1).
En petit comité, la justice de cabinet permettrait de rendre la procédure plus humaine et pédagogique. De rechercher l'adhésion du condamné à sa sanction, plutôt que de vouloir l'écraser par une solennité qu'il ne décrypte souvent pas. «A droite, on parle de "responsabilisation" du mis en cause. A gauche, on appelle ça la "reconnaissance des capacités"», s'amuse une magistrate. «Je n'ai rien contre les peines qui tentent de recueillir l'assentiment de la personne : elles sont fidèles à un certain humanisme, dit Jean Danet. A condition qu'on l'accompagne et qu'on ne dise pas "Sois l'entrepreneur de ta propre vie !" à une personne fragile qui n'en a pas l