Aussi loin que je me rappelle, je suis une fille. Je le sais. J’ai toujours su que j’étais une fille. L’idée d’être un garçon ne m’a jamais intéressée. J’aimais mes poupées. J’aimais ma jupe verte à bretelles. J’aimais les fleurs du jardin. J’avais peur des hommes et des pères, je les sentais très différents de moi, je me sentais vivre sur une planète inconnue d’eux. Tout en moi était fille. Je suis née fille. Aussi loin que je me rappelle j’ai ce sentiment. Je n’ai pas eu à le devenir. Mais j’ai eu à le rester. J’ai eu à me battre pour le rester. On n’a pas toujours respecté le fait que j’étais d’accord pour ça. On n’a eu de cesse de le contester. Et je n’avais que mon sentiment profond pour résister aux assauts contre la certitude que j’éprouvais. J’étais une fille. C’était ainsi. Il n’y avait pas de discussion. Il aurait dû ne pas y en avoir. Mais il y en a eu.
Un jour, on entre dans une boulangerie avec ma mère, j'avais 3-4 ans, je suis habillée tout en rouge, on me demande si je suis le petit chaperon rouge, je réponds, volontiers, les boulangères me font parler, je ressors avec le pain au lait que ma mère m'a acheté, mais, au moment où elle ouvre la porte pour sortir, la boulangère parle de moi au masculin à une cliente, «il est mignon», ça signifie que pendant tout le temps où j'ai parlé elles m'ont prise pour un garçon. La porte se ferme, je me retrouve dans la rue, j'ai envie de rouvrir pour rétablir la vérité. Mais ma mère ne partage pas ma révolte, elle ex