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TRIBUNE

Voltaire ne reconnaîtrait plus son pays

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L'affaire Dieudonnédossier
par Aurélien Portuese, Juriste, maître de conférences à l’université de Westminster et Gaspard Koenig, Philosophe Directeur du think tank GenerationLibre
publié le 16 janvier 2014 à 19h06

L’image d’une salle de spectacle, encadrée par un cordon de CRS, restera un moment fort du rétablissement d’un ordre moral en France. Demain, le ministre de l’Intérieur obligera les opérateurs internet à retirer certaines vidéos. Après-demain, on devra obtenir une autorisation administrative avant de poster un tweet. «Laissons parler les imbéciles» (1), écrivions-nous le mois dernier, en conclusion de notre rapport sur la liberté d’expression pour le think tank Generation libre. Aujourd’hui, l’imbécile s’appelle Dieudonné, et il faut le laisser parler, au nom des principes qui fondent notre démocratie; des principes énoncés par les encyclopédistes et inscrits dans la Déclaration des droits de l’homme. L’interdiction ex ante d’un spectacle fait prendre à notre pays une pente totalitaire. Le Conseil d’Etat a invoqué «l’ordre public». Mais en l’absence de troubles violents, l’ordre public consiste au contraire à garantir la liberté de réunion : c’est le sens de la jurisprudence Benjamin. En 2011, les autorités avaient protégé sur cette base les théâtres jouant la pièce de Romeo Castellucci Sur le concept du visage du fils de Dieu, jugée «christianophobe». Au lieu de fermer les guichets de Dieudonné, la police n’aurait-elle pas dû être déployée pour en garantir l’accès contre d’éventuels fauteurs de troubles ?

Pour contourner cette objection, le Conseil d'Etat a i