On a le droit de voir dans l’affaire Dieudonné la victoire de principes républicains (l’ordre public, la laïcité) et moraux (la dignité de la personne, la tolérance) hérités des Lumières sur un antisémitisme complotiste, déguisé en idéologie antisystème et anti-élites. En laissant de côté le débat sur la liberté d’expression, on peut aussi considérer qu’il n’y avait pas péril en la demeure, du moins pas au point que la justice administrative ait à se prononcer au pied levé, et émettre l’hypothèse qu’il s’agit d’un exemple de mauvaise médecine, un cas de confusion assez regrettable entre la maladie et les symptômes, les soins palliatifs et le remède.
Vu de l'étranger - je vis aux Etats-Unis depuis huit ans - antisémitisme, racisme ou intolérance ne sont pas les premiers mots qui viennent à l'esprit pour caractériser ce qui ne va pas dans notre pays. Ce qui frappe, c'est la progression d'une détresse sociale et d'une souffrance économique si vives qu'elles peuvent être facteurs de radicalisation, parmi d'autres, et objets de bien des prédations. Sur les territoires abandonnés par la puissance publique sous toutes ses formes (école, hôpital, infrastructures, police, transports), en ville et banlieue, mais aussi dans les campagnes en voie de désertification, des gens crèvent la gueule ouverte, et leur nombre s'accroît. La misère et le ressentiment de ces Français, oubliés dans les cales de notre société, sont le grand marché où les démagogues viennent f