Professeure de science politique à Paris-I, Frédérique Matonti travaille depuis quelques années sur le genre.
Depuis quelques jours une expression a surgi dans l’espace public : la «théorie du genre». De quoi s’agit-il ?
La «théorie du genre» n'existe pas. A travers cette expression, certains voudraient désigner l'ensemble des travaux qui utilisent le concept de genre, laissant entendre qu'il s'agirait d'une idéologie au service d'un lobby. Ce sont des arguments classiques à l'extrême droite et même parfois à droite. Depuis les années 70 ont émergé aux Etats-Unis d'abord, puis un peu partout et donc en France, des études de genre qui relèvent de l'anthropologie, de la littérature, de la sociologie ou de l'histoire. On peut définir le genre avec l'historienne américaine Joan W. Scott comme un rapport social, comme l'est le rapport de classe. Pour elle, le genre est «un élément constitutif des rapports sociaux fondé sur les différences perçues entre les sexes». En raison de ces différences perçues, les femmes sont, par exemple, socialement assignées à des tâches domestiques ou à des catégories d'emploi parce qu'elles seraient «vouées» à ces fonctions. A la différence de la notion de sexe, le concept de genre permet de souligner l'ensemble de ce qui est construit socialement sur une différence biologique.
Quels sont les principaux apports de l’étude du genre ?
Ce n'est pas du tout un secteur unifié, et ce n'est pas un hasard si l'on parle au pluriel des «études de genre». Mais le concept de genre est décisif. Il a, par exemple, permis à l'anthropologue italienne Paola Tabet de remettre en question la vision traditionnelle de la complé