Je venais d’entrer dans le métro, j’étais installée calmement, assise sur une banquette, face à une autre occupée par deux personnes dont l’une regardait dans le vague et l’autre lisait, celle qui regardait dans le vague est descendue à la station suivante, l’autre a continué sa lecture, et un homme soûl est entré dans la rame. Il a regardé les gens, puis il a commencé à proférer des insultes, et à menacer de nous casser les dents. En l’entendant dire qu’on était de la pourriture, la fille qui lisait a levé un sourcil sans quitter des yeux son livre dont elle continuait à tourner les pages. Je ne voyais pas ce qui se passait derrière moi. Par une vision latérale, je distinguais plus ou moins une ou deux silhouettes à ma gauche. L’homme était devant moi, j’étais la seule à lui faire face de si près, n’osais pas me retourner pour voir les autres visages. Je n’osais pas bouger du tout. Je cherchais un endroit où poser mon regard pour ne pas croiser le sien. Il demandait si on savait comment ça faisait de recevoir un coup-de-poing, si on nous avait déjà cassé la bouche, qu’on était de la merde. Est-ce que je regardais la couverture du livre de la lectrice, ou ses chaussures, en baissant le regard et en tournant la tête dans sa direction, ou bien la fenêtre par laquelle l’intérieur noir du tunnel défilait ? La lectrice, jeune femme brune de 25 ans, était assise dos au type, dans l’angle de la fenêtre. Un fort sentiment de peur animale obstruait toutes mes pensées, je me résumais
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