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Interview

Elisabeth Roudinesco : «Notre identité est bien triple : biologique, psychique, sociale»

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La GPA en débatdossier
Elisabeth Roudinesco, en 2009 à Paris. (Photo Miguel Medina. AFP)
publié le 9 février 2014 à 19h46

Tout s’est emballé. Un concept mal compris - le genre - une rumeur folle, des peurs irrationnelles. Pourquoi un programme visant à l’égalité, dispensé à l’école, a-t-il laissé croire qu’on allait transformer les filles en garçons et les garçons en filles ? Pourquoi dans le sillage du mariage pour tous, tout projet sociétal concernant la famille est-il désormais vécu par une part de la population comme une mise en danger de l’enfant et un démantèlement de la structure familiale ? Réponses de l’historienne et psychanalyste Elisabeth Roudinesco.

Etes-vous surprise de ces mobilisations au nom de la famille en danger ?

Je ne suis pas surprise. Depuis un an, à l'occasion du vote du mariage pour les personnes du même sexe, on a vu émerger cette forme d'hostilité qui est en fait le symptôme d'autre chose. Sur fond de crise et de fortes inquiétudes sociales, s'expriment la crainte de la perte de la nation, et plus particulièrement le sentiment de perte de souveraineté, comme celle qui régit les relations père enfant. Quand l'économie est florissante, les transformations touchant la famille passent facilement. En revanche, l'instabilité économique engendre peurs et crispations. Au XIXe siècle déjà, l'industrialisation et ses transformations sociales avaient provoqué une terreur de la féminisation de la société, liée à l'essor du travail des femmes. A chaque fois, les boucs émissaires sont les mêmes : les juifs, les étrangers, les homosexuels. A chaque époque, les arguments sont récurrents : la famille se meurt, la nation est bafouée, l'indifféren